Sur les amendements à l'avant-projet de loi
« C’est un véritable revers politique pour Frank Vandenbroucke »
Le 21 juillet, le gouvernement De Wever a validé en Kern une version amendée de l’avant-projet de loi-cadre sur les soins de santé. Saluée par plusieurs syndicats médicaux comme un infléchissement majeur, cette mouture marque-t-elle un tournant ou une simple manœuvre politique ?
Laurent Zanella
Pour Thomas Gevaert, président de l’ASGB et du Cartel (qui regroupe l’ASGB, le GBO et le MoDeS), le texte validé en comité restreint ne laisse guère de doute sur l’issue du bras de fer. « Cet accord d’été, au-delà de tout le vernis politique, contient de nombreuses concessions sur une loi-cadre mal pensée. Vandenbroucke a dû sérieusement reculer. » Il qualifie la première version de la réforme d’« overspeelde hand » – une tentative de passage en force mal calculée – et juge que ce qui est désormais sur la table ne constitue qu’un ensemble de « pièces de puzzle » pour négocier les prochaines réformes sur la nomenclature, le financement hospitalier et les suppléments d’honoraires.
Surtout, il souligne que les plafonds fixes initialement prévus pour les suppléments d’honoraires – 25 % en ambulatoire, 125 % à l’hôpital – ont été retirés du texte. « À ceux qui trouvent encore cela dramatique, je dis : comparez le cadre actuel avec celui proposé il y a six semaines. Ces plafonds arbitraires ont disparu. Jusqu’à récemment, c’était encore inenvisageable. Et Vooruit avait présenté cela comme un fait acquis. »

Pour le Dr Gevaert, ce recul est un désaveu politique clair : « C’est un véritable revers politique pour Frank Vandenbroucke. »
Il salue les efforts conjoints des membres du Cartel ainsi que l’unité ponctuelle retrouvée avec l’Absym ces dernières semaines. Avant d’adresser un message plus politique aux médecins : « Lors des prochaines élections syndicales, souvenez-vous que vous avez le choix entre deux syndicats indépendants, qui ont défendu la profession avec énergie, et un syndicat d’État (Aadm, sans le nommer, NdlR) qui a validé la loi-cadre sans quasiment émettre la moindre critique. »
L’Absym revendique une victoire syndicale
À l’Absym, l’analyse converge sur le fond, avec un accent mis sur l’impact de la mobilisation. Dans un communiqué, le président Patrick Emonts souligne que la grève du 7 juillet a été un levier décisif. « Grâce à l’action de l’Absym, le ministre a été contraint de revoir sa copie. »
L’organisation syndicale se félicite du retrait des plafonds chiffrés, de la réintroduction du conventionnement partiel et du rétablissement d’une véritable concertation dans les instances concernées. « Le gouvernement semble enfin décidé à impliquer les acteurs de terrain. Mais nous resterons vigilants. La concertation doit être réelle. Et les médecins doivent pouvoir continuer à exercer une médecine de qualité, à l’hôpital comme en extrahospitalier. »
Les principes acquis
Par communiqué, le GBO/Cartel salue également les inflexions obtenues et confirme plusieurs principes acquis. Il se réjouit notamment de la suppression des plafonds chiffrés de 25 % et 125 % pour les suppléments d’honoraires.
Le GBO/Cartel souligne également que le couplage de cette mesure avec la réforme du financement hospitalier et de la nomenclature est désormais reconnu formellement, ce qui constituait une revendication ancienne de la profession.
Autre élément jugé fondamental : la scission entre la rémunération intellectuelle du praticien et les frais de fonctionnement. « Cela fait des années, voire des décennies, que nous défendons cette approche », rappelle le GBO.
Pour autant, plusieurs zones d’ombre subsistent. Le GBO explique ne pas avoir encore eu la main sur le texte validé par le Kern. Et le communiqué de Frank Vandenbroucke ne précise pas les modalités d’application de tarifs indicatifs dans certains cas pour les médecins conventionnés, et reste flou sur la modernisation du conventionnement censée instaurer des règles identiques pour tous les prestataires. Le GBO s’oppose aussi à l’idée de réserver la prime de télématique aux seuls généralistes conventionnés, alors que l’objectif initial était d’inciter tous les médecins à utiliser les outils d'eSanté.
Enfin, une inquiétude structurelle demeure : rien n’est précisé sur le financement futur des syndicats médicaux. « Cela signifie-t-il qu’un meilleur financement indépendant du taux de conventionnement n’a pas été validé ? Si c’est le cas, nous le déplorons d’ores et déjà », déclare le syndicat, qui alerte sur le risque de fragilisation du système de concertation. Elle en appelle au ministre pour qu’il prouve son attachement affirmé à la concertation en garantissant les moyens nécessaires à son fonctionnement.