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Nos soins intensifs sont morcelés, il faut les réorganiser (KCE)

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En 2022, la quasi-totalité des hôpitaux aigus (97 sur 99) disposaient d’une ou plusieurs unités de soins intensifs, réparties sur 119 sites hospitaliers. "Ces soins morcelés débouchent sur une utilisation inefficiente des moyens et sur des différences de qualité", déplore le KCE, qui plaide en faveur d’une structure à deux niveaux: des soins intensifs généraux, et d’autres spécialisés, avec des critères d’agrément clairs. Chaque USI devra disposer d’au moins 12 lits. Une réforme qui s’inscrit dans une refonte plus large du paysage hospitalier.

C.V.

Un état des lieux

La pandémie, en 2020, a clairement démontré ô combien les soins intensifs sont cruciaux. Ils n'en demeurent toutefois pas moins essentiels au quotidien, pour les urgences (AVC, infarctus, polytraumatisés des accidents de la route ou de catastrophes, grands brûlés, infections aigues) et en post-chirurgical, notamment. Mais la pénurie de personnel et le vieillissement de la population mettent les USI sous pression... Si le pays compte un grand nombre de lits intensifs, ce type de soins est visiblement morcelé, réparti de manière inégale et pas toujours bien aligné sur les besoins, conclut une étude du KCE publiée ce jour.

Ainsi, 97 sur 99 de nos hôpitaux aigus ont une ou plusieurs unités de soins intensifs, réparties sur... 119 sites hospitaliers. "60% comptaient 12 lits agréés ou moins", s'étonne le KCE. "Ces petites unités coûtent cher par rapport au nombre de journées d’hospitalisation qu’elles accueillent, nécessitent la mobilisation permanente de personnel et de moyens, et peuvent avoir du mal à conserver l’expertise requise." Par ailleurs, elles peuvent toutes dispenser n’importe quelle forme de soins intensifs, de l'Ecmo au monitoring court post-chirurgical.

Historiquement, les USI sont nées au début des années 1950, lors d'épidémies de poliomyélite. En vertu de leur définition, en 2017, par la WFSICCM (World Federation of Societies of Intensive and Critical Care Medicine), les USI dispensent des soins spécialisés à des patients dont le pronostic vital est engagé, et ces unités ne sont pas uniquement des espaces "physiques" mais des systèmes flexibles, qui peuvent s’étendre à d’autres départements hospitaliers.

"Sans grande surprise, ce rapport se heurte à nouveau à un constat déjà posé à plusieurs reprises dans des études antérieures : la Belgique dispose d’une capacité non négligeable mais morcelée, et les mécanismes de financement sont extrêmement complexes et manquent de transparence", soulignent, en préface du rapport, Ann Van den Bruel DG du KCE, et Christophe Janssens, DG adjoint.

Méthodologie et chiffres

Tous les hôpitaux aigus du royaume disposant d’une USI ou d'un "middle care" ont été invités à participer à une enquête en ligne. Par ailleurs, 15 "stakeholders" ont été interrogés, puis une comparaison avec sept pays européens a été réalisée, ainsi qu'une revue de littérature.

USI
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De l'analyse, il ressort que 29 sites hospitaliers disposent de deux unités, voire plus. Les sites qui disposent du plus grand nombre d’unités (jusqu’à sept) appartiennent à des hôpitaux académiques ou à des grands hôpitaux généraux (au-delà de 450 lits aigus agréés), souvent en zone urbaine, quoiqu'il existe une concentration de petits sites sur Bruxelles. La taille des USI est très variable: fin 2022, 60% disposaient d’un maximum de 12 lits agréés et deux sites n’atteignaient pas le minimum légal de six. La plus grande unité comptait, elle, 84 lits.

Sur le papier, la Belgique dispose de 1.978 lits de soins intensifs agréés (dont 85 pédiatriques et 44 pour les grands brûlés), mais cela ne veut pas dire qu'ils sont tous opérationnels. On compte en moyenne 17 lits intensifs pour 100.000 habitants, mais avec de grosses disparités régionales. Et par rapport à nos voisins ? La Suède compte un peu moins de 5/100.000 habitants, alors que l'Allemagne en propose 28/100.000...

Recommandations

Le KCE plaide, dans le cadre de la réforme hospitalière déjà en cours et avec un plan de transition, pour une refonte en profondeur des USI, vers une organisation sur deux niveaux: soins généraux / soins spécialisés, avec des critères d’agrément explicites, en collaboration avec la Société belge de médecine intensive et l’association professionnelle des infirmiers. "Ces deux niveaux USI doivent passer des accords entre eux pour organiser la collaboration et le transfert des patients", recommandent les experts du KCE. Objectif: optimaliser les moyens, tant le personnel que les infrastructures, en fonction des besoins. "Les patients pourront être dirigés plus vite vers l’unité adaptée à leur situation." 

Pour quelle taille ? Le rapport plaide pour un volume suffisant, soit 12 lits minimum par unité, mais extensible via une réserve de lits 'mobilisables' en cas de pandémie ou de catastrophe (et un système de transfert des patients en toute sécurité d’un hôpital à l’autre, comme on l'a vu à Liège, par exemple, au pic de la crise covid, vers l'Allemagne). Par ailleurs, des unités de soins "intermédiaires" peuvent contribuer à plus d'efficience. Le KCE propose aussi une base de données nationale, unique et centralisée, pour avoir une vue "supra" (lits occupés, personnel dispo, gravité des patients), de nouveau, notamment, en cas de crise comme celle de 2020, mais aussi pour garantir un suivi de la qualité. 

LIRE LE RAPPORT DU KCE

Le financement doit également être revu. Il est actuellement très complexe, et non spécifiquement lié à la lourdeur et la complexité des soins aigus. L'idée serait d'aller vers un système de rémunération plus juste et plus réaliste, par admission, avec des moyens supplémentaires pour les USI qui devraient répondre à certains critères de qualité afin de décourager les soins inutiles. 

Des critères d'admission doivent être fixés pour chacun des deux niveaux. Par exemple, en USI spécialisée, au moins deux systèmes organiques nécessitant un soutien, ventilation mécanique prolongée, score SOFA très élevé, lourdeur des soins imposant un ratio patient-infirmier de 1:1 durant une partie du séjour, ainsi que des critères d'équipement, comme toute la technologie nécessaire à des systèmes complexes de soutien aux organes tels que l'Ecmo.

"Plusieurs rapports récents du KCE, dont ceux consacrés à la performance du système de santé et à l’analyse de ce qui constitue une dotation en personnel sûre, soulignent l’importance d’une approche mûrement réfléchie mettant au centre des préoccupations la sécurité des patients et une organisation durable des soins", concluent Ann Van den Bruel et Christophe Janssens

Quelle durée de séjour ?

La durée médiane du séjour en USI est d'un peu moins de deux jours (peu de différences entre régions et hôpitaux), calcule le rapport. Le séjour est généralement plus long (2,4 jours) en admission urgente. Les séjours longs (>30 jours) représentent 2%.
Les taux d'occupation sont en moyenne de 61% pour les petits sites, de 69% pour les grands sites et de 74% pour les sites universitaires. Quant à l'intensité des soins (mesurée sur base des données infirmières du résumé hospitalier minimum), elle est extrêmement variable: dans 10% des unités, un tiers (voire moins) des épisodes ont un profil correspondant aux soins intensifs, alors que dans les 10% d’unités où les soins sont les plus intensifs, au moins 95% des épisodes affichent clairement un profil intensif. 

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