Psychiatrie : l'Hôpital universitaire de Bruxelles adopte la gouvernance collaborative
Le service de Psychiatrie de l’Hôpital universitaire de Bruxelles (HUB) présente une approche collaborative inédite dans la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques. Inspirée de modèles internationaux, cette démarche marque un tournant dans la manière de concevoir le soin en santé mentale. Elle a été présentée hier lors des 11èmes Rencontres Soignantes en Psychiatrie, organisées par la Revue Santé Mentale à Paris.

Longtemps, la psychiatrie s’est appuyée sur un modèle biomédical classique, cherchant une relation de cause à effet entre les événements de vie et les symptômes psychiatriques - « il est dépressif parce qu’il a perdu son emploi », par exemple. Aujourd'hui, cette vision linéaire et causaliste ne suffit plus.
La nouvelle approche adoptée par l’HUB repose sur un modèle en réseau, où chaque élément de la vie d’une personne - santé, relations familiales, emploi, démarches administratives, environnement - est considéré comme un nœud interconnecté. Ensemble, ces nœuds forment une cartographie vivante de la problématique du patient.
Chaque membre de l’équipe soignante (psychiatres, psychologues, infirmiers, ergothérapeutes, assistants sociaux…) y apporte sa lecture, pour construire une compréhension partagée et évolutive de la situation.
« On ne peut pas réduire une personne à ses symptômes psychiatriques, ni à une seule cause », explique le Pr Pierre Oswald, directeur du service de Psychiatrie de l’HUB. « Ce modèle collaboratif permet de relier les éléments médicaux, psychologiques et sociaux entre eux. Le patient n’est plus “pris en charge” par un seul regard, mais accompagné par une véritable équipe qui pense et agit ensemble. »
Une gouvernance réellement collaborative
Dans cette nouvelle dynamique, chaque professionnel a voix au chapitre. L’équipe définit, discute et réévalue chaque semaine les priorités de soin du patient, dans une dynamique horizontale où la communication et la confiance priment sur les canevas hiérarchiques traditionnels.
Le rôle de l’infirmier y prend une dimension nouvelle : garant de la cohérence, moteur du lien entre disciplines et porte-parole de la réalité quotidienne du patient.
« Ce modèle redonne du sens à notre travail », témoigne Anthony Arend, infirmier chef du service de Psychiatrie de l’ HUB. « On ne se contente plus d’exécuter des prescriptions : on réfléchit ensemble, on échange nos points de vue, on apprend à écouter les autres métiers. Cela renforce la cohésion de l’équipe et, surtout, la qualité des soins et d’accompagnement du patient. »
Un changement de culture plutôt qu’un protocole hospitalier
L’objectif de cette approche est avant tout humain et organisationnel. Il vise à favoriser une prise en charge réellement inter et multidisciplinaire, non centrée sur le diagnostic, mais sur l’ensemble des dimensions qui influencent la vie et le rétablissement du patient. Ce modèle invite aussi à repenser les liens avec l’extérieur : le réseau familial, les acteurs de première ligne et les structures communautaires sont intégrés à la réflexion dès l’hospitalisation, afin de préparer une sortie plus fluide et un retour à la vie quotidienne plus stable.
Le service de Psychiatrie de l’HUB souhaite devenir, à terme, un pôle de référence pour ce type de collaboration intégrée et encourage d’autres institutions - hôpitaux psychiatriques comme services de psychiatrie généraux - à s’en inspirer.
« Ce n’est pas une méthode miracle, mais une évolution nécessaire », souligne le Pr Oswald. « Nous voulons ouvrir un espace de réflexion et de coopération entre soignants, redonner du souffle à nos pratiques, et replacer le patient au centre, non pas comme un objet de soin, mais comme une personne au cœur d’un réseau vivant. »